dimanche 24 juillet 2016

Concepts de base de la régulation des systèmes : Partie II


Principe et constitution d’une boucle de régulation

1) Exemple d’une boucle de régulation de niveau

Eléments constitutifs d’une boucle de régulation
Pour mettre en œuvre la boucle de régulation de niveau de la phase liquide d’un ballon, les éléments suivants sont nécessaires.
Figure 1. Boucle de régulation de niveau

Principe de fonctionnement d’une boucle de régulation de niveau

  • La mesure de niveau est assurée par le capteur et dirigée vers le transmetteur. Celui-ci transforme la mesure en un signal normalisé et le transmet au régulateur qui, par ailleurs, a reçu une consigne de hauteur de niveau. Le régulateur compare la mesure à la consigne et, s’il existe un écart, agit sur le servomoteur de la vanne de régulation par un signal de commande dans le sens voulu pour ramener la grandeur réglée à la de consigne.
  • Un positionneur est généralement installé sur la vanne automatique, vérifie en permanence que la position réelle de la vanne correspond bien à la position théorique correspondant au signal régulateur. Dans le cas contraire, il modifie la pression d’air sur le servomoteur jusqu’à concordance de ces deux positions.
  • La mesure est visualisée en continu sur un indicateur ou un enregistreur.
  • La présence supplémentaire d’alarmes de niveau haut et bas permet de prévenir l’opérateur en cas de remplissage anormal ou de vidange excessive du ballon.
  • Dans d’autres cas de boucles de régulation, la vanne automatique peut être remplacée par un organe de réglage ou actionneur tel que vantelles, servomoteur pour orienter les pales d’un ventilateur, etc.
Afin de commander (réguler) un système physique, il faut donc :

  • Mesurer la grandeur physique que l’on veut contrôler avec un capteur.
  • Réfléchir sur l’attitude à adopter : c’est la fonction du régulateur. Le régulateur compare la grandeur réglée avec la consigne et élabore un signal de commande.
  • Agir sur l’entrée du système (grandeur réglante) par l’intermédiaire d’un actionneur (organe de réglage). 
Figure2. Principe général de la régulation
2) Analyse d’une boucle de régulation type
Une boucle de régulation type d’une seule variable s’explicite par le schéma bloc suivant 
Figure 3. Schéma bloc d'une régulation simple

  •  Grandeur réglée : la grandeur réglée est la grandeur physique que l’on désire contrôler. Elle donne son nom à la régulation : régulation de température, de niveau, de pression, de débit, de vitesse,…
  • Consigne (Set Point): la valeur que doit prendre la grandeur réglée. La consigne peut être une transformation par potentiomètre, touches sensitives,… de l’action manuelle d’un opérateur humain…
  • Grandeur réglée mesurée (Process Variable) : Grandeur mesurée transmise par le capteur- transmetteur  et comparée à la consigne.
  • Signal de commande (Controller Output) : Signal que délivre le régulateur à l’organe de réglage.
  • Grandeur réglante : grandeur physique choisie pour contrôler la grandeur réglée. Elle n’est généralement pas de même nature que la grandeur réglée : débit de fluide, intensité électrique, pression…
  • Perturbations (Disturbances) : grandeurs physiques qui influencent la grandeur réglée. Elles ne sont pas toujours mesurables. Exemples : température extérieure, débit de soutirage, couple résistant…
  • Organe de réglage (Final Control Element): dispositif mécanique, électrique, pneumatique ou hydraulique permettant d’agir sur une machine, un système pour modifier son fonctionnement ou son état : vanne, servomoteur, gradateur, servovalve, variateur…
  • Capteur (Sensor) : dispositif qui délivre, à partir d’une grandeur physique, une autre grandeur, souvent électrique, fonction de la première et directement utilisable pour la mesure ou la commande : thermocouple, sonde à résistance de platine, pH mètre, anémomètre, tachymètre…
  • Transmetteur (Transmitter) : dispositif qui converti le signal de sortie du capteur en un signal de mesure normalisé, récupérable par des régulateurs standards et transmissible à distance tel le 4-20mA : transmetteur de pression différentielle, convertisseur fréquence/tension….Il est souvent intégré au capteur.
  • Régulateur (Controller) : appareil dont la fonction essentielle est de comparer la mesure de la grandeur réglée à la consigne imposée, s’il existe une différence entre elle, il modifie le signal de commande qui est envoyé à l’actionneur : régulateur Proportionnel Intégral Dérivé (PID), TOR (tout ou rien), numérique, prédictif…
Figure 4. Régulation du niveau d'un ballon d'une chaaudière de production de vapeur


Figure5. Régulation du débit dans une consuite


3) Représentation symbolique des chaînes de régulation
La représentation par schéma blocs utilisée plus haut est sans doute la plus pratique au stade d’analyse. Elle peut, moyennant certaines hypothèses, devenir une représentation mathématique de la boucle, les différents blocs contenant chacun un modèle de la relation  liant les signaux d’entrée et de sortie du bloc. Il existe cependant d’autres représentations, dont certaines graphiques (graphe de fluence, bond- graphs..).
Le schéma de procédé et d’instrumentation (Piping and Instrumentation Diagram) ou schéma TI (Tuyauterie et Instrumentation) est utilisé fréquemment pour représenter les chaînes de régulation industrielle. Il a l’avantage de respecter les divisions matérielles, de faire apparaître certaines caractéristiques technologiques (réseaux énergétiques, affichage local des mesures, existence et type de pré-actionneur), tout en précisant les divisions fonctionnelles. Il est bien adapté au cas des boucles multiples, telles que l’on rencontre dans de nombreuses installations industrielles. Un tel schéma utilise des symboles normalisés représentant sans ambiguïté les différents composants du processus :
  • Les équipements propres au processus lui-même ;
  • Les équipements nécessaires au contrôle du processus.
Les équipements propres au processus lui-même sont :
  • Les équipements statiques pour les opérations de transport et de stockage (tuyauteries, bacs).
  • Les équipements dynamiques pour les opérations de transformation (fours, tours de distillation, séparateurs, échangeurs,…)
Les équipements nécessaires au contrôle du processus et constituant l’instrumentation comportent :
  • Des prises de mesures (essentiellement de pression, débit, niveau, température).
  • Des instruments de mesure (indicateurs locaux, transmetteurs).
  • Des organes de contrôle (régulateurs).
  • Des organes de sécurité (alarmes, systèmes de commandes automatiques).
  • Des organes de commande permettant de moduler ou de sectionner les flux de matière (vannes motorisées de sectionnement, vannes régulatrices, pompes, ventilateurs,…).
  • Des organes de protection (soupapes).

Eléments de base
Les éléments de base d’un P&ID sont représentés par la figure suivante :


Figure6. Eléments de base d'un P&ID
 Bulles (symboles géométriques)   

Tableau1. Bulles
C.      Lettres d’identification fonctionnelle

Tableau 2. Code des lettres

Aux symboles graphiques sont associés des groupes de lettres et de chiffres qui vont permettre aux techniciens de définir immédiatement :
1) L’unité, la ligne, l’atelier, etc… dans lesquels les instruments sont installés.
2) Le numéro d’ordre des appareils dans la chaîne de mesure.
3) La grandeur physique mesurée.
4) La ou les fonctions des instruments.
En règle générale nous trouverons :

Exemple de combinaisons de lettres
Tableau 3. Quelques combinaisons de lettres
Figure 7. Exemples d'identication des instruments

Symboles des lignes de transmission des signaux

Figure 8. . Lignes de transmission des signaux
 Blocs de fonctions
Tableau 4. Quelques blocs de fonction
 Corps de vannes de réglage
Figure 8.Corps de vannes

  Actionneurs de vannes de réglage
Figure 9. Actionneurs des vannes
Exemples
Figure 10. Régulation de débit

Figure 11. Régulation de niveau
Figure 12. Contrôle d’un échangeur
Figure 13. Contrôle d'une colonne
Figure14. Contrôle d'un réacteur batch
Figure 15. P&ID de distillation de benzène

Symboles des équipements utilisés dans les P&ID et les PFD (Process Fluid Diagram)

Figure 16. Pompes et réservoirs
Figure 17. Compresseurs, turbines à vapeur et moteurs
Figure 18. Echangeurs de chaleurs
Figure 19. Fours et chaudière
Figure 20. Colonnes de distillation
Figure 20. Réacteurs
4) Fonctionnement en manuel ou en automatique

On parle de fonctionnement en boucle ouverte (ou en manuel) quand c'est l'opérateur qui contrôle l'organe de réglage. Ce n'est pas une régulation.
Figure 21. Température dans un échangeur de chaleur
Figure 22. Niveau d'un liquide dans un réservoir

Figure 23. Pression dans un réservoir
Figure 24. Réacteur parfaitement agité
 Fonctionnement en boucle fermée (ou en automatique) : 
C'est le fonctionnement normal d'une régulation. Le régulateur compare la mesure de la
grandeur réglée et la consigne et agit en conséquence pour s'en rapprocher.
Dans les régulateurs, il y a généralement un sélecteur AUTO/MANU qui permet de choisir le mode de fonctionnement de la boucle (en automatique ou en manuel).

Figure 25. Régulation du niveau d'un réservoir
Figure 26. Régulation de la température dans un échangeur

5) Signaux utilisés dans une boucle de régulation
Dans une boucle de régulation, les différents appareils sont reliés entre eux et les informations circulent le plus souvent :
·         Soit sous forme de pression d’air: (0,2 à 1 bar)
·         Soit sous forme de courant électrique continu : (4 à 20 mA)
·         Soit sous forme d’information numérique : (0 ou 1)
Les signaux sont alors appelés respectivement signaux pneumatiques, électriques et numériques :
·         Les signaux pneumatiques et électriques, qui sont des signaux continus, sont appelés analogiques.

·         En numérique, les signaux sont émis à intervalles de temps réguliers (seconde ou fraction de seconde correspondant à la période de scrutation)

                                                                                                                                         A suivre...








lundi 20 juin 2016

Concepts de base de la régulation des systèmes : Partie I

Ce cours introductif à l'automatique et plus précisément à "la régulations des systèmes" comporte 8 parties :

  1. Introduction et un peu d'histoire
  2. Principes et constitution d'une boucle de régulation
  3. Qualités d’une boucle de régulation
  4. Hiérarchie des systèmes de contrôle
  5. Les différents types de systèmes de commande
  6. Notions sur les stratégies de régulation avancées
  7. Approche d’un problème de régulation 
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Introduction


A l’époque de l’automatisation, la notion de régulation suggère en langage courant des propriétés telles que la fiabilité fonctionnelle, la précision élevée, la qualité particulière ou le confort accru. Bien que le principe de la régulation trouve un champ d’application toujours plus étendu et diversifié dans les systèmes techniques de toute sorte, il ne constitue pas une invention technique. Il s’agit plutôt d’un phénomène naturel qui permet de maintenir automatiquement un état stable en dépit de l’action des perturbations externes. De nombreux processus biologiques et écologiques ainsi que sociologiques et économiques fonctionnent d’après ce principe de régulation. Parallèlement au développement pratique de la technique de régulation, l’étude théorique de cette technique a connu un développement considérable. Depuis les débuts de l’exploitation technique du principe de régulation, approximativement avec le régulateur centrifuge de la machine à vapeur de James Watt (1788), en passant par les premières descriptions mathématiques de processus de régulation au début du 20ème siècle. La commande automatique s’affirme aujourd’hui comme une branche autonome majeure des sciences de l’ingénieur. 
La régulation (ou asservissement) consiste à agir de façon à ce qu’une mesure soit égale à une consigne. Si l’on cherche à atteindre une consigne (de position ou de température), on parlera de poursuite ou d’asservissement ; si l’on cherche à éliminer des perturbations pour qu’une valeur reste constante (ex : garder la température intérieure de la voiture constante quelle que soit la température extérieure), on parlera de régulation. L’industrie utilise à foison des systèmes d’asservissement ou de régulation : que ce soit pour gérer le débit d’un fluide dans une conduite, la température d’un produit, la hauteur d’un niveau de cuve…
Donc,
La régulation
Action de régler automatiquement une grandeur d’un système de telle sorte que celle-ci garde constamment sa valeur ou reste proche de la valeur désirée, quelles que soient les perturbations qui peuvent survenir.
Ø Exemples de régulation
  • Régulation de température dans un local subissant les variations climatiques.
  • Régulation de niveau dans un réservoir dépendant de plusieurs débits d’alimentation et de soutirage.
  • Régulation de pH de rejets d’eau destinés à être déversés dans une rivière.


L’asservissement ou la poursuite
Répondre à des changements d’objectif, ou à un objectif variable (poursuite de cible, suivi d’un gabarit). Exemple : une machine outil qui doit usiner une pièce selon un profil donné, un missile qui poursuit une cible.
Ø Exemples d’asservissement
  • Asservissement de température : obtention d’un profil de température en fonction du temps dans un four de traitement thermique.
  • Asservissement de vitesse de la broche d’un tour à commande numérique.
  • Asservissement d’un débit d’air par rapport à un débit de gaz afin d’obtenir une combustion idéale.
  • Asservissement en position d’une parabole d’un radar de contrôle aérien.


Les principaux objectifs du contrôle des procédés sont
1.    Sureté de fonctionnement.
2.    Protection de l’environnement.
3.    Protection des équipements.
4.    Taux de production régulier
5.    Maîtrise de la qualité du produit
6.    Augmentation des bénéfices
7.    Supervision et diagnostic
Un peu d’histoire  
300 avant J.C.: La première mise en œuvre de système de commande à contre réaction est l’œuvre des grecs dans l’antiquité avec des régulations de niveau par flotteur afin de mesurer précisément le temps. La première pendule à eau ou clepsydre (Ctésibios d’Alexandrie -270) utilise un flotteur régulant le niveau d’un premier bac permettant ainsi de fournir un débit constant dans un second bac dont le niveau établit ainsi la durée écoulée. La chasse d’eau est fondée sur le même principe. Philon de Byzance (- 250) proposa de même une régulation à flotteur du niveau d’huile alimentant une lampe. Héron d’Alexandrie (Pneumaticae -150) met au point divers dispositifs de régulation de niveau à base de flotteurs (horloges à eau, distributeurs automatiques de vin...).
Clepsydre de Ctésibios
Clepsydre d’Héron

800 - 1200: différents ingénieurs Arabes (Al-Jazari, les trois frères Musa et Ibn al-Saati) utilisent des régulateurs à flotteur pour des horloges à eau et autres applications. Durant cette période, le principe de la commande tout ou rien est pour la première fois utilisé. Al-Jazari en particulier dans son livre ”The book of knowledge of ingenious mechanical devices” connu sous le titre abrégé ”Automata” propose de nombreux mécanismes automatiques (pompes à eau, clepsydres, régulateurs de flammes, distributeurs automatiques de liquides...).
 

Illustrations extraites du livre : ”Automata” (1315)
1600-1900: la révolution industrielle débute réellement avec l’avènement des procédés de commande à contre-réaction. En effet, l’invention de nouveaux mécanismes (moulins à grains avancés, fours, machine à vapeur) nécessitent des systèmes de commande perfectionnés allant au-delà de la régulation manuelle.

  • Régulation de température (Drebbel-1624, Becher-1680, Réaumur-1754, Henry- 1771, Bonnemain-1777) : Cornelius Drebbel, alchimiste hollandais du XV IIme siècle est le premier à inventer le thermostat en 1624 qu’il souhaite utiliser dans les fours pour la transmutation du plomb en or. Son échec à trouver la pierre philosophale le conduit néanmoins à inventer un incubateur automatique, l’Athenor, pour l’éclosion des œufs même si le principe du thermostat ne sera redécouvert qu’un siècle plus tard par Bonnemain en 1777. Entre temps, les régulateurs de température sont étudiés successivement par Becher en 1680, utilisés de nouveau pour un incubateur par Réaumur en 1754 alors que W.Henry propose de l’utiliser pour les fours chimiques en 1771.
Schéma de l’incubateur Athenor
  • Régulation des moulins à vent : le flux de grain dans un moulin est régulé suivant la vitesse de rotation de la meule en 1588 (par le mill-hoper). En 1745, Lee invente une petite roue à vent (fantail) montée perpendiculairement à l’axe de rotation afin d’orienter la voilure des moulins dans le sens du vent. Enfin, Thomas Mead (1780) régule la vitesse de rotation à l’aide d’un double pendule soumis à la force centrifuge.


  • Régulation de niveaux (Salmon-1746, Crapper 1775, Brindley-1758, Polzunov- 1765, Wood-1784), (Perier-1790) : les régulations de niveaux ne sont plus utilisées afin de mesurer le temps du fait de l’invention de l’horloge mécanique au XIV ème siècle mais dans la chaudière des moteurs à vapeur et pour les systèmes de distribution d’eau domestiques. En particulier, la chasse d’eau est mise au point par les plombiers Joseph Bramah et Thomas Twyford. En Sibérie, le mineur de charbon Polzunov développe en 1769 un régulateur à flotteur pour un moteur à vapeur. A la fin de ce siècle, les frères Perier mettent au point la première boucle de régulation avec action proportionnelle et intégrale.

Principe de la machine à vapeur de Polzunov

  • Régulation de pression (Papin-1707, Delap-1799, Murray-1803) : les moteurs à vapeur posent également le problème de la régulation de la pression de vapeur dans les chaudières. En utilisant la soupape de sécurité mise au point en 1681 pour les autocuiseurs, Denis Papin obtient en 1707 un régulateur de pression pour le moteur à vapeur. Ce procédé de régulation est ensuite amélioré par Delap en 1799 et Murray en 1803.

Soupape de sécurité de Papin

  • Régulation à gouverne centrifuge (Watt-1788), (Siemens-1846), (Porter-1858), (Pickering-1862), (Hartnell-1872) : suite à sa correspondance avec Matthew Boulton, James Watt se propose d’adapter le régulateur centrifuge de Mead pour la régulation de la vitesse de rotation du moteur à vapeur. Ce type de régulation à action proportionnelle est ensuite amélioré dans son principe par Siemens qui lui substitue l’action intégrale ainsi que technologiquement par son adaptation à des vitesses de rotation plus élevées.

Régulateur de vitesse de Watt

1800-1935 : cette période préclassique de la théorie de la commande fût celle pendant laquelle les principales contributions furent d’ordre mathématique. On peut parler de mathématisation de la théorie de la régulation.

  • Introduction des équations différentielles pour l’étude des systèmes à contre réaction et mise en évidence du problème de la stabilité des systèmes bouclés (Lagrange), (Hamilton), (Poncelet), (Airy-1840), (Hermite-1854), (Maxwell-1868), (Routh-1877), (Vyshnegradsky-1877), (Hurwitz-1895), (Lyapunov-1892) : suivant les travaux de W.R. Hamilton et de J.L. Lagrange sur la représentation des systèmes dynamiques par les équations différentielles, J.V. Poncelet et l’astronome G.B. Airy développent les premières analyses de stabilité des systèmes régulés. Les premiers à proposer des conditions de stabilité pour les systèmes régulés représentés par des équations différentielles sont J.C. Maxwell et le russe I.I. Vyshnegradsky qui analysent la stabilité du régulateur à boules de Watt. Le mathématicien canadien E.J. Routh prolonge le travail de Maxwell et fournit une condition systématique pour tester la stabilité des racines d’une équation caractéristique d’un ordre quelconque. Indépendamment, le mathématicien suisse A. Hurwitz suivant les travaux de Vyshnegrasky et de Charles Hermite trouve les mêmes résultats en réponse à un problème de régulation de turbine à eau posé par l’ingénieur suisse A.B. Stodola.

Diagramme de stabilité de  Vyshnegradsky
Enfin, en Russie, A.M. Lyapunov développe une théorie complète de la stabilité des systèmes dynamiques représentés par des équations différentielles non linéaires en utilisant la notion d’énergie généralisée. Il est à noter que Léon Farcot (1868) est le premier à employer les termes de moteur asservi et de servomoteur pour la commande des timoneries de navire et André-Marie Ampère utilise le premier le mot de cybernétique pour l’art de gouverner.
  • Développement de l’analyse des systèmes dans le domaine fréquentiel (Minorsky- 1922), (Black-1927), (Nyquist-1932), (Hàzen-1934) : à la fin du XIXème siècle, le manque de compréhension théorique des problèmes de régulation, l’absence de langage commun aux différentes disciplines ne permet pas le développement de méthodes systématiques simples d’analyse et de synthèse. Minorsky analyse au début du XXème les régulations de position à base de PID (Proportionnel Intégrale Dérivée) pour la commande des bateaux. A cette époque, seule la rétro- action positive est utilisée pour tester les circuits téléphoniques. Le développement des techniques de communication permet à Harold Black de proposer la rétro- action négative pour la réduction des phénomènes de distorsion à hautes fréquences. Harry Nyquist reprend les méthodes de représentation dans le plan complexe (principe de l’argument) d’Augustin Cauchy pour donner une solution graphique au problème de stabilité des circuits. On assiste alors à une mathématisation de la théorie de la régulation avec le premier traité théorique sur les servomécanismes écrit par Harold Hàzen.


1940-1960: la deuxième guerre mondiale a joué le rôle de stimulant intellectuel primordial pour le développement des systèmes de commande et a donné naissance à la période dite classique.
  • Développement de la théorie des servomécanismes dans le domaine fréquentiel au laboratoire des radiations du MIT (Hall-1940), (Nichols-1947) et au laboratoire de Bell Telephone (Bode-1938) : H.W. Bode propose en 1938 d’utiliser le tracé de l’amplitude et de la phase de la réponse fréquentielle des réseaux linéaires et définit les notions de marges de phase et de gain. Le groupe dirigé par Bode au MIT aboutit au développement du système de RADAR SRC-584 couplé au pointeur M9.

En parallèle, les méthodes d’analyse fréquentielle se développent avec les travaux de     A.C. Hall sur le RADAR (introduction des M-cercles et des N-cercles) et l’abaque de N.B. Nichols.





Les M- cercles de Hall

Abaque de Nichols     
  • Développement de l’analyse stochastique (Kolmogorov-1941), (Wiener et Bigelow- 1942) : A.N. Kolmogorov introduit en 1941 une théorie des processus stochastiques stationnaires en temps discret. Au MIT, dans le but de prédire la position future des avions pour les batteries de tir antiaérien, N. Wiener et J. Bigelow analysent les systèmes de traitement de l’information en utilisant des modèles stochastiques en temps continu. Cela donne naissance au filtre de Wiener statistiquement optimal pour les signaux stationnaires en temps continu.
  • Développement de la théorie de l’information (Shannon-1948) et de la cybern étique (Wiener-1949) : la théorie mathématique de la communication naît entre 1939 et 1948 sous l’impulsion de C. Shannon qui publie en 1948 ”The mathematical theory of communication”. N. Wiener publie la même année son plus fameux ouvrage ”Cybernetics or Control and communication in the animal and the machine”.
  • Période classique de développement de la théorie des servomécanismes (Smith- 1942), (McColl-1945), (Evans-1948), (Ziegler-Nichols-1942), (Truxall-1955) :W.R. Evans définit sa méthode du lieu des racines permettant de déterminer la localisation des Pôles en boucle fermée dans le plan complexe. J.G. Ziegler et N.B. Nichols proposent leurs réglages des compensateurs PID. Les progrès réalisés durant la guerre ont permis d’établir une théorie mathématique solide des servomécanismes. Cette période est principalement marquée par la parution des premiers traités (S. Smith-1942), (McColl-1945), (Truxal-1955). Ceux-ci mettent en avant essentiellement les techniques fréquentielles et graphiques qui favorisent le développement des méthodes de l’ingénieur. En 1951 a lieu la première conférence d’Automatique à Cranfield, Royaume Uni.


1960-1980: période moderne avec le développement de l’industrie aéronautique et spatiale. Les techniques fréquentielles classiques ne suffisent plus et des techniques temporelles appropriées doivent être proposées pour faire face aux problèmes non linéaires, temps variant et de commande optimale rencontrés en particulier dans le domaine spatial.
  • Théorie de la commande non linéaire (Hamel-1949), (Tsypkin-1955), (Popov-1961), (Yakubovich-1962), (Sandberg-1964), (Narendra-1964), (Desoer-1965), (Zames-1966) : le développement des relais dans les systèmes de commande conduit B. Hamel en France et J.A. Tsypkin à développer une théorie temporelle pour le premier et fréquentielle pour le second pour l’identification et l’analyse des cycles limites dans les asservissements à relais. V.M. Popov propose le critère de stabilité (dit de Popov) pour l’étude du problème de stabilité absolue proposé initialement par Lur’e et Postnikov en 1944. Ce travail est prolongé par Yakubovich qui relie les travaux de Popov et ceux de Lur’e.
  • Théorie de la commande optimale et théorie de l’estimation, introduction du formalisme d’état (Bellman-1957), (Pontryagin-1958), (Kalman-1960) : en travaillant sur les problèmes d’allocation de missiles sur des cibles afin de maximiser les dégats, R. Bellman établit le principe d’optimalité et développe la programmation dynamique pour résoudre les problèmes de commande optimale en temps discret. De son côté, L.S. Pontryagin pose les bases de la commande optimale avec le principe du maximum qui généralise l’approche d’Hamilton. R. Kalman introduit les concepts d’observabilité et de commandabilité insistant ainsi sur l’importance de la représentation d’état. Il montre d’autre part la dualité existant entre les problèmes de filtrage et de commande et développe les équations du filtre de Kalman.
  • Commande échantillonnée (Shannon-1950), (Jury-1960), (Ragazzini et Zadeh- 1952), (Ragazzini et Franklin-1958), (Kuo-1963), (Astrom-1970) : le développement des calculateurs dans les années 50-60 permet leur utilisation à double titre en Automatique.
Il est nécessaire de les utiliser hors-ligne pour les calculs de synthèse et la simulation mais aussi comme élément dans la chaine de commande. Cette dernière utilisation conduit au développement de la théorie des systèmes échantillonnés initialement développée par J.R. Ragazzini, G. Franklin et L. Zadeh qui suivent les jalons posés par C. Shannon dans les années 50.
1980-? : l’introduction des capacités de calcul étendues et l’extension des logiciels de simulation et d’assistance à la conception s’est traduite par la réunification des théories classique et moderne et par l’émergence du problème spécifique de la commande robuste.
  • Théorie de la commande H(Zames-1971), (Doyle-1981), (Safonov-1981).
  • Théorie de la valeur singulière structurée (Doyle-1982), (Safonov-1982).Théorie de la commande floue et techniques de supervision associées, Automatique symbolique, techniques neuro-mimétiques.
  • Introduction de la programmation semi-définie positive.
Aujourd’hui, l’évolution de l’électronique vers des solutions numériques qui se traduisent par l’intégration de calculateurs numériques puissants, la création de langages de haut niveau maîtrisant les problèmes liés  au temps « réel », voire une approche entièrement graphique de la programmation, offrent un développement quasiment sans limite des méthodes modernes de l’automatique. 

(A suivre...)