A l’époque de l’automatisation, la notion de
régulation suggère en langage courant des propriétés telles que la fiabilité fonctionnelle,
la précision élevée, la qualité particulière ou le confort accru. Bien que le
principe de la régulation trouve un champ d’application toujours plus étendu et
diversifié dans les systèmes techniques de toute sorte, il ne constitue pas une
invention technique. Il s’agit plutôt d’un phénomène naturel qui permet de
maintenir automatiquement un état stable en dépit de l’action des perturbations
externes. De nombreux processus biologiques et écologiques ainsi que
sociologiques et économiques fonctionnent d’après ce principe de régulation.
Parallèlement au développement pratique de la technique de régulation, l’étude
théorique de cette technique a connu un développement considérable. Depuis les
débuts de l’exploitation technique du principe de régulation, approximativement
avec le régulateur centrifuge de la machine à vapeur de James Watt (1788), en
passant par les premières descriptions mathématiques de processus de régulation
au début du 20ème siècle. La commande automatique s’affirme
aujourd’hui comme une branche autonome majeure des sciences de
l’ingénieur.
La régulation (ou asservissement) consiste à agir
de façon à ce qu’une mesure soit égale à une consigne. Si l’on cherche à
atteindre une consigne (de position ou de température), on parlera de poursuite
ou d’asservissement ; si l’on cherche à éliminer des perturbations pour
qu’une valeur reste constante (ex : garder la température intérieure de la
voiture constante quelle que soit la température extérieure), on parlera de régulation.
L’industrie utilise à foison des systèmes d’asservissement ou de régulation :
que ce soit pour gérer le débit d’un fluide dans une conduite, la température
d’un produit, la hauteur d’un niveau de cuve…
Donc,
La régulation
Action
de régler automatiquement une grandeur d’un système de telle sorte que celle-ci
garde constamment sa valeur ou reste proche de la valeur désirée, quelles que
soient les perturbations qui peuvent survenir.
Ø
Exemples de régulation
- Régulation de température dans un
local subissant les variations climatiques.
- Régulation de niveau dans un
réservoir dépendant de plusieurs débits d’alimentation et de soutirage.
- Régulation de pH de rejets d’eau destinés à être déversés
dans une rivière.
L’asservissement ou la poursuite
Répondre à des changements
d’objectif, ou à un objectif variable (poursuite de cible, suivi d’un gabarit).
Exemple : une machine outil qui doit usiner une pièce selon un profil
donné, un missile qui poursuit une cible.
Ø Exemples
d’asservissement
- Asservissement
de température : obtention d’un profil de température en fonction du temps
dans un four de traitement thermique.
- Asservissement
de vitesse de la broche d’un tour à commande numérique.
- Asservissement
d’un débit d’air par rapport à un débit de gaz afin d’obtenir une combustion
idéale.
- Asservissement
en position d’une parabole d’un radar de contrôle aérien.
Les
principaux objectifs du contrôle des procédés sont
1.
Sureté de fonctionnement.
2.
Protection de l’environnement.
3.
Protection des équipements.
4.
Taux de production régulier
5.
Maîtrise de la qualité du produit
6.
Augmentation des bénéfices
7.
Supervision et diagnostic
Un
peu d’histoire
300
avant J.C.: La première mise en œuvre de système de
commande à contre réaction est l’œuvre des grecs dans l’antiquité avec des
régulations de niveau par flotteur afin de mesurer précisément le temps. La
première pendule à eau ou clepsydre (Ctésibios
d’Alexandrie -270) utilise un flotteur régulant le niveau d’un premier bac
permettant ainsi de fournir un débit constant dans un second bac dont le niveau
établit ainsi la durée écoulée. La chasse d’eau est fondée sur le même
principe. Philon de Byzance (- 250)
proposa de même une régulation à flotteur du niveau d’huile alimentant une
lampe. Héron d’Alexandrie
(Pneumaticae -150) met au point divers dispositifs de régulation de niveau à
base de flotteurs (horloges à eau, distributeurs automatiques de vin...).
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Clepsydre de Ctésibios |
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Clepsydre d’Héron |
800 - 1200: différents
ingénieurs Arabes (Al-Jazari, les
trois frères Musa et Ibn al-Saati) utilisent des régulateurs
à flotteur pour des horloges à eau et autres applications. Durant cette
période, le principe de la commande tout ou rien est pour la première fois
utilisé. Al-Jazari en particulier
dans son livre ”The book of knowledge of ingenious mechanical devices” connu
sous le titre abrégé ”Automata” propose de nombreux mécanismes automatiques
(pompes à eau, clepsydres, régulateurs de flammes, distributeurs automatiques
de liquides...).

Illustrations
extraites du livre : ”Automata” (1315) |
1600-1900: la révolution industrielle débute réellement
avec l’avènement des procédés de commande à contre-réaction. En effet, l’invention
de nouveaux mécanismes (moulins à grains avancés, fours, machine à vapeur)
nécessitent des systèmes de commande perfectionnés allant au-delà de la
régulation manuelle.
- Régulation de température (Drebbel-1624, Becher-1680, Réaumur-1754, Henry- 1771, Bonnemain-1777)
: Cornelius Drebbel, alchimiste
hollandais du XV II`ème siècle est le premier à inventer le thermostat en 1624 qu’il souhaite
utiliser dans les fours pour la transmutation du plomb en or. Son échec à
trouver la pierre philosophale le conduit néanmoins à inventer un incubateur
automatique, l’Athenor, pour l’éclosion des œufs même si le principe du
thermostat ne sera redécouvert qu’un siècle plus tard par Bonnemain en 1777. Entre temps, les régulateurs
de température sont étudiés successivement par Becher en 1680, utilisés de nouveau
pour un incubateur par Réaumur en
1754 alors que W.Henry propose de l’utiliser pour les fours chimiques en 1771.
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Schéma de l’incubateur Athenor |
- Régulation des moulins à vent : le flux de grain
dans un moulin est régulé suivant la vitesse de rotation de la meule en 1588
(par le mill-hoper). En 1745, Lee
invente une petite roue à vent (fantail) montée perpendiculairement à l’axe de
rotation afin d’orienter la voilure des moulins dans le sens du vent. Enfin, Thomas Mead (1780) régule la vitesse de
rotation à l’aide d’un double pendule soumis à la force centrifuge.
- Régulation de niveaux (Salmon-1746, Crapper 1775, Brindley-1758, Polzunov- 1765, Wood-1784),
(Perier-1790) : les régulations de
niveaux ne sont plus utilisées afin de mesurer le temps du fait de l’invention
de l’horloge mécanique au XIV ème siècle mais dans la chaudière des moteurs à
vapeur et pour les systèmes de distribution d’eau domestiques. En particulier,
la chasse d’eau est mise au point par les plombiers Joseph Bramah et Thomas
Twyford. En Sibérie, le mineur de charbon Polzunov développe en 1769 un régulateur à flotteur pour un moteur
à vapeur. A la fin de ce siècle, les frères Perier mettent au point la première boucle de régulation avec
action proportionnelle et intégrale.
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Principe de la machine à vapeur de Polzunov |
- Régulation
de pression (Papin-1707, Delap-1799,
Murray-1803) : les moteurs à vapeur posent également le problème de la
régulation de la pression de vapeur dans les chaudières. En utilisant la
soupape de sécurité mise au point en 1681 pour les autocuiseurs, Denis Papin obtient en 1707 un
régulateur de pression pour le moteur à vapeur. Ce procédé de régulation est
ensuite amélioré par Delap en 1799
et Murray en 1803.
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Soupape de sécurité de Papin |
- Régulation
à gouverne centrifuge (Watt-1788), (Siemens-1846), (Porter-1858), (Pickering-1862),
(Hartnell-1872) : suite à sa
correspondance avec Matthew Boulton, James
Watt se propose d’adapter le régulateur centrifuge de Mead pour la
régulation de la vitesse de rotation du moteur à vapeur. Ce type de régulation
à action proportionnelle est ensuite amélioré dans son principe par Siemens qui
lui substitue l’action intégrale ainsi que technologiquement par son adaptation
à des vitesses de rotation plus élevées.
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Régulateur de vitesse de
Watt |
1800-1935
: cette période préclassique de la théorie de la
commande fût celle pendant laquelle les principales contributions furent
d’ordre mathématique. On peut parler de mathématisation de la théorie de la
régulation.
- Introduction des équations différentielles pour
l’étude des systèmes à contre réaction et mise en évidence du problème de la
stabilité des systèmes bouclés (Lagrange),
(Hamilton), (Poncelet), (Airy-1840),
(Hermite-1854), (Maxwell-1868), (Routh-1877), (Vyshnegradsky-1877), (Hurwitz-1895), (Lyapunov-1892) : suivant les travaux de W.R. Hamilton et de J.L. Lagrange
sur la représentation des systèmes dynamiques par les équations
différentielles, J.V. Poncelet et
l’astronome G.B. Airy développent
les premières analyses de stabilité des systèmes régulés. Les premiers à
proposer des conditions de stabilité pour les systèmes régulés représentés par
des équations différentielles sont J.C.
Maxwell et le russe I.I.
Vyshnegradsky qui analysent la stabilité du régulateur à boules de Watt. Le
mathématicien canadien E.J. Routh
prolonge le travail de Maxwell et fournit une condition systématique pour
tester la stabilité des racines d’une équation caractéristique d’un ordre
quelconque. Indépendamment, le mathématicien suisse A. Hurwitz suivant les travaux de Vyshnegrasky et de Charles
Hermite trouve les mêmes résultats en réponse à un problème de régulation de
turbine à eau posé par l’ingénieur suisse A.B.
Stodola.
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Diagramme de stabilité de Vyshnegradsky
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Enfin, en Russie, A.M. Lyapunov développe une théorie complète de la stabilité des
systèmes dynamiques représentés par des équations différentielles non linéaires
en utilisant la notion d’énergie généralisée. Il est à noter que Léon Farcot (1868) est le premier à
employer les termes de moteur asservi et de servomoteur pour la commande des
timoneries de navire et André-Marie
Ampère utilise le premier le mot de cybernétique pour l’art de gouverner.
- Développement de l’analyse des systèmes dans le
domaine fréquentiel (Minorsky- 1922),
(Black-1927), (Nyquist-1932), (Hàzen-1934)
: à la fin du XIXème siècle, le manque de compréhension théorique des
problèmes de régulation, l’absence de langage commun aux différentes
disciplines ne permet pas le développement de méthodes systématiques simples
d’analyse et de synthèse. Minorsky
analyse au début du XXème les régulations de position à base de PID
(Proportionnel Intégrale Dérivée) pour la commande des bateaux. A cette époque,
seule la rétro- action positive est utilisée pour tester les circuits téléphoniques.
Le développement des techniques de communication permet à Harold Black de proposer la rétro- action négative pour la
réduction des phénomènes de distorsion à hautes fréquences. Harry Nyquist reprend les méthodes de
représentation dans le plan complexe (principe de l’argument) d’Augustin Cauchy
pour donner une solution graphique au problème de stabilité des circuits. On
assiste alors à une mathématisation de la théorie de la régulation avec le
premier traité théorique sur les servomécanismes écrit par Harold Hàzen.
1940-1960: la deuxième guerre mondiale a joué le rôle de stimulant intellectuel
primordial pour le développement des systèmes de commande et a donné naissance
à la période dite classique.
- Développement de la théorie des servomécanismes
dans le domaine fréquentiel au laboratoire des radiations du MIT (Hall-1940), (Nichols-1947) et au laboratoire de Bell Telephone (Bode-1938) : H.W. Bode propose en 1938 d’utiliser le tracé de l’amplitude et de
la phase de la réponse fréquentielle des réseaux linéaires et définit les
notions de marges de phase et de gain. Le groupe dirigé par Bode au MIT aboutit
au développement du système de RADAR SRC-584 couplé au pointeur M9.
En
parallèle, les méthodes d’analyse fréquentielle se développent avec les travaux
de A.C. Hall sur le RADAR (introduction des M-cercles et des
N-cercles) et l’abaque de N.B. Nichols.
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Les M- cercles de Hall |
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Abaque de Nichols |
- Développement de l’analyse stochastique (Kolmogorov-1941), (Wiener et Bigelow- 1942)
: A.N. Kolmogorov introduit en 1941 une théorie des processus stochastiques
stationnaires en temps discret. Au MIT, dans le but de prédire la position
future des avions pour les batteries de tir antiaérien, N. Wiener et J. Bigelow
analysent les systèmes de traitement de l’information en utilisant des modèles
stochastiques en temps continu. Cela donne naissance au filtre de Wiener
statistiquement optimal pour les signaux stationnaires en temps continu.
- Développement de la théorie de l’information (Shannon-1948) et de la cybern étique (Wiener-1949) : la théorie mathématique
de la communication naît entre 1939 et 1948 sous l’impulsion de C. Shannon qui publie en 1948 ”The
mathematical theory of communication”. N. Wiener publie la même année son plus
fameux ouvrage ”Cybernetics or Control and communication in the animal and the
machine”.
- Période classique de développement de la théorie
des servomécanismes (Smith- 1942), (McColl-1945), (Evans-1948), (Ziegler-Nichols-1942),
(Truxall-1955) :W.R. Evans définit sa méthode du lieu des racines permettant de déterminer
la localisation des Pôles en boucle fermée dans le plan complexe. J.G. Ziegler et N.B. Nichols proposent leurs réglages des compensateurs PID. Les
progrès réalisés durant la guerre ont permis d’établir une théorie mathématique
solide des servomécanismes. Cette période est principalement marquée par la
parution des premiers traités (S. Smith-1942),
(McColl-1945), (Truxal-1955). Ceux-ci mettent en avant essentiellement les
techniques fréquentielles et graphiques qui favorisent le développement des
méthodes de l’ingénieur. En 1951 a lieu la première conférence d’Automatique à
Cranfield, Royaume Uni.
1960-1980: période moderne avec le développement de l’industrie aéronautique et
spatiale. Les techniques fréquentielles classiques ne suffisent plus et des
techniques temporelles appropriées doivent être proposées pour faire face aux
problèmes non linéaires, temps variant et de commande optimale rencontrés en
particulier dans le domaine spatial.
- Théorie de la commande non linéaire (Hamel-1949), (Tsypkin-1955), (Popov-1961),
(Yakubovich-1962), (Sandberg-1964), (Narendra-1964), (Desoer-1965),
(Zames-1966) : le développement des
relais dans les systèmes de commande conduit B. Hamel en France et J.A.
Tsypkin à développer une théorie temporelle pour le premier et
fréquentielle pour le second pour l’identification et l’analyse des cycles
limites dans les asservissements à relais. V.M.
Popov propose le critère de stabilité (dit de Popov) pour l’étude du problème de stabilité absolue proposé initialement par Lur’e et Postnikov en 1944. Ce travail est prolongé par Yakubovich qui relie les travaux de Popov et ceux de Lur’e.
- Théorie
de la commande optimale et théorie de l’estimation, introduction du formalisme
d’état (Bellman-1957), (Pontryagin-1958), (Kalman-1960) : en travaillant sur les problèmes d’allocation de
missiles sur des cibles afin de maximiser les dégats, R. Bellman établit le principe d’optimalité et développe la
programmation dynamique pour résoudre les problèmes de commande optimale en temps
discret. De son côté, L.S. Pontryagin
pose les bases de la commande optimale avec le principe du maximum qui
généralise l’approche d’Hamilton. R.
Kalman introduit les concepts d’observabilité et de commandabilité
insistant ainsi sur l’importance de la représentation d’état. Il montre d’autre
part la dualité existant entre les problèmes de filtrage et de commande et
développe les équations du filtre de Kalman.
- Commande
échantillonnée (Shannon-1950), (Jury-1960), (Ragazzini et Zadeh-
1952), (Ragazzini et Franklin-1958), (Kuo-1963), (Astrom-1970)
: le développement des calculateurs dans les années 50-60 permet leur
utilisation à double titre en Automatique.
Il
est nécessaire de les utiliser hors-ligne pour les calculs de synthèse et la
simulation mais aussi comme élément dans la chaine de commande. Cette dernière utilisation conduit au développement de la théorie des systèmes
échantillonnés initialement développée par J.R.
Ragazzini, G. Franklin et L. Zadeh qui suivent les jalons posés
par C. Shannon dans les années 50.
1980-?
: l’introduction des capacités de calcul
étendues et l’extension des logiciels de simulation et d’assistance à la
conception s’est traduite par la réunification des théories classique et
moderne et par l’émergence du problème spécifique de la commande robuste.
- Théorie
de la commande H∞ (Zames-1971), (Doyle-1981), (Safonov-1981).
- Théorie
de la valeur singulière structurée (Doyle-1982),
(Safonov-1982).Théorie
de la commande floue et techniques de supervision associées, Automatique
symbolique, techniques neuro-mimétiques.
- Introduction de la programmation semi-définie
positive.
Aujourd’hui, l’évolution de l’électronique
vers des solutions numériques qui se traduisent par l’intégration de
calculateurs numériques puissants, la création de langages de haut niveau
maîtrisant les problèmes liés au temps « réel », voire une
approche entièrement graphique de la programmation, offrent un développement
quasiment sans limite des méthodes modernes de l’automatique.
(A suivre...)